Les 3 emblèmes du port

Comment es-tu devenu mytiliculteur ?

J’avais déserté la mer après l’adolescence. Mon bac en poche, je suis parti faire des études d’ingénierie agro-alimentaire. J’ai travaillé plusieurs années dans ce milieu sans jamais vraiment m’épanouir.
Et puis c’est arrivé comme un appel lointain. Mes racines ont repris le dessus. Celles ancrées à la Baie m’ont rappelé aux sources. J’avais près de 30 ans et elles se sont éveillées.
Avec mon petit frère nous avons ce même déclic qui nous a menés à reprendre l’exploitation familiale après une reconversion professionnelle. Pour ce faire, j’ai passé mon BEP cultures marines au Lycée Maritime en candidat libre et puis je me suis installé.

3 mots pour définir ton métier ?

Sans hésitation : passion sans laquelle je ne pourrais pas exercer, nature parce nous élevons des produits sauvages dans leur milieu, et courage pour exploiter face aux contraintes existantes tant environnementales, naturelles que anthropiques.

Que fais-tu au quotidien ?

Si le quotidien existe ! La mytiliculture, c’est avant tout travailler avec les saisons et au rythme des marées. Jamais une journée ne se ressemble !
Le travail, lui, consiste avant tout à élever des produits sauvages que nous captons naturellement en mer. Sur une même journée, nous sommes amenés à ensemencer les pieux, récolter les moules, les trier et les conditionner à bord des navires, décharger au port les sacs préparés à bord, vendre les produits à nos clients, apposer la traçabilité avant l’expédition, assurer le suivi financier et administratif de l’entreprise…C’est assez varié comme métier ! Mais le plus chouette, ce sont ces petites pauses que nous nous accordons plutôt en été en nous jetant à l’eau !

C’est vrai que les journées démarrent très tôt et peuvent être éprouvantes. Alors, quand on peut prendre un bain au milieu du travail, c’est très vitalisant. Et puis, il y a les levers de soleil. C’est petites bouffées d’oxygène pur, ce havre de paix dans lequel on en prend plein la vue.

La mer, pour toi, ça évoque quoi ?

Ce sont les lumières qui m’attirent sur l’eau. Les contrastes que l’on voit aux différentes heures de la journée : les pastels à l’aube, l’étincelante luminosité de la pleine journée, et les colorations différentes que prend la mer.

À quelle période de l’année préfères-tu travailler ?

Définitivement mai et septembre. C’est au printemps et à la fin de l’été que les lumières de l’aube sont les plus belles. On a devant les yeux et à perte de vue des lueurs extraordinaires qui donnent la banane pour la journée.

Un terme du métier qui t’amuse ?

Je dirais… Mareyer… Celui-là, je l’aime bien.

Tu peux nous traduire ?

Ce sont les mouvements d’ouverture et fermeture que réalisent naturellement les moules. Ils nous permettent de juger de la vitalité de l’animal. Une moule qui mareye est une moule en pleine santé !

Un souvenir avec un goéland ?

Ne me parle pas d’eux ! Ces fourbes viennent dévorer nos moules directement sur les pieux. Ils se posent, attendant le meilleur moment pour s’acharner sur nos petites protégées. Ils font un véritable carnage. Ce sont des prédateurs féroces et ils sont de plus en plus intrépides. L’homme ne leur fait plus peur… c’est un peu comme « les oiseaux » d’Alfred Hitchock.

Avec un morse alors ?

Ah oui ! Cette histoire ! Impressionnant ! J’avais été appelé par les gendarmes maritimes pour me dire que mon bateau allait être réquisitionné parce qu’un morse s’était installé dessus…Je suis venu immédiatement au port et là, en arrivant à bord, je me suis retrouvé à quelques mètres à peine de l’animal. Il était très paisible. Il se reposait tranquillement. Mais ce qui m’a frappé ça a été de le voir se mouvoir et de constater la force dégagée par ses canines.